Trouble alimentaire et évitement (parce que se sentir grosse, ce n’est pas une émotion)
Se sentir grosse…
Ce n’est pas une émotion.
Le propos m’a fait sourire au départ. Puis, tranquillement, j’en ai saisi le sens, la lourdeur. Se sentir lourd soudainement, ressentir l’anxiété des grammes qui s’accumulent à une vitesse effarante… Ce n’est pas une émotion. C’est un tour joué par la maladie. Un mécanisme de défense utilisé par l’esprit malade. Pourquoi? Parce que se jeter dans le trouble alimentaire, gérer le physique en état d’urgence, est tout de même plus doux que d’affronter et ressentir les vraies émotions. On se concentre sur l’extérieur pour éviter l’intérieur.
Quand je suis chamboulée, le monstre vient à mon secours de cette façon. Par cette fixation du corps et de l’alimentation, il détourne adroitement mon attention.
Je suis encore malade.
Je chéris cette aide précieuse.
J’y plonge…
Tête première.
En thérapie, je tente d’identifier les émotions derrière les comportements. On me fait fouiller le passé et le présent pour imaginer un futur sans trouble alimentaire.
Feel the feeling.
Cela revient dans toutes les lectures.
Dans toutes les séances.
Moi: « Je ne sais pas pourquoi j’ai fait ça. »
Ma psychologue: « Es-tu certaine? Qu’est-ce qui s’est passé durant ta journée? »
Moi: « Rien du tout, je te le jure! J’ignore pourquoi s’est arrivé… Encore.»
Elle: « Tu me la racontes, ta journée? »
Avouons-le, c’est toujours comme cela que ça se passe.
On évite.
On dénie.
L’essentiel.
Je le dis sans cesse, que ce soit en lien avec les privations ou les binges. Après ou même pendant… Toujours la même pensée. Pourquoi je fais cela, moi? La vérité est que si je fais l’effort de me plonger dans mes pensées, de revoir le fil des événements… Je le trouve le fameux « pourquoi ». D’ailleurs, dans la littérature, on présente cet évitement en une suite logique: PENSÉE – SENTIMENT – PULSION – ACTION. Moi, mes pensées et mes sentiments sont altérés par la maladie. Je « sens » que je prends du poids au lieu d’être déçue. Alors, coude à coude avec le monstre, je passe à l’action en utilisant le trouble alimentaire.
Avec un brin de recul et beaucoup de bonnes intentions (c’est rare), je peux m’analyser clairement. Mais… Identifier la source de l’anxiété et y faire face comme une grande, c’est difficile. Accueillir les émotions les plus laides comment le rejet ou la déception est douloureux. Alors…
Je me sens grosse.
J’ai trop mangé.
Agissons.
Lui et moi, on concentre notre énergie à calculer des centièmes de grammes, des minutes d’exercices et des milliers de calories. On réussit même à y retrouver une certaine fierté. Rester mince, contrôler son alimentation, son poids… Lui et moi, on se protège. On se détourne des drames de la vie en créant et gérant des drames au quotidien.
Lui et moi…
On s’inquiète de la couleur des murs…
Alors que la maison est en feu.
La dernière phrase…oufffff!
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Wow! On s’inquiète de la couleur des murs, alors que la maison est en feu. Tu écris bien mon amie! Tu écris bien.
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